_ LE SILENCE N'EST PAS LA SIMPLE ABSENCE DE BRUIT,  Andrea Rodriguez Novoa

Group exhibition catalogue, 2017

 

Sylvie Joerger explore des frontières perméables. Délicat scrutin du monde du sensible et de la perception, son travail nous touche parce qu’il est intimement lié à ce qui nous bâtit tous: endroit et envers d’un amalgame de l’esprit et du corps qui traverse l’ensemble déconcertant de notre temps. Le crépuscule du vivant, et la latence entre les deux, sont des éléments qu’elle décline à sa guise pour en révéler les creux.

Dans sa performance Lifeblood ou animus-anima, deux corps allongés au sol se font face. L’un est un gisant-vivant, dans une posture allongée sur le dos, il a les yeux ouverts et des vêtements soumis à la pesanteur. Il est légèrement surélevé, par rapport au sol, comme en suspension. L’autre est un vivant-gisant dans une attitude résultante d’une chute, dans un équilibre rompu, ses vêtements sont en suspens. Deux états se confrontent ici pour créer un interstice de questionnement: que reste t-il ? Quelle est la part de vie dans la mort et inversement ?

Promeneuse sempiternelle, Sylvie Joerger sillonne les limites de l’être avec la prévoyance de celle qui respire intuitivement. L’artiste ausculte ainsi la notion de seuil: l’espace poreux de la couleur neutre entre le dedans et le dehors qu’il franchit dans les deux sens. Ce seuil est ainsi l’interaction, et par la même occasion, l’échange dont elle observe les distances physiques établies autant par la nature que par une culture donnée. Divers fragments d’une réalité non datée entretiennent son enquête. Vénus ou silhouettes ou coupe humaine rétablissent des galets que les hommes de l’âge de la pierre aimaient recueillir et dans lesquels ils voyaient des qualités figuratives qui les rendaient magiques. Ainsi la statuette de la Vénus de Willendorf, "déesse mère", "gardienne de la maison et du foyer", ou symbole de la fécondité féminine pour certaines de ses interprétations, rappelle un galet sacré ovoïde. Dans l’exposition, Sylvie Joerger nous propose trois objets qui reprennent la nature et les dimensions de ces galets fétiches.

Reposant sur une pierre au sol, ils invitent à dilater les temporalités, à s’agenouiller et prendre le temps de les cacher dans la main. Ce rituel s’opère face à un foyer, celui de la salle Robert le Magnifique. L’artiste vient le colmater avec une photographie montrant un gros plan d’un pubis féminin à peine dévoilé et surmonté du signe Alpha. La cheminée représente le canal entre le céleste et le terrestre mais aussi l’union du masculin et du féminin. Elle est le nombril du monde qui accueille et met en avant ce pubis féminin lié au principe de la totalité, le principe et la fin (Alpha et Omega, α et ω). L’image prend forme à partir des caractéristiques des statuettes déesses de la fécondité (Sheela-na-gig, Vénus), le personnage dévoile un signe médiateur entre le spirituel et le sensible. L’extériorité de ce geste s’imprime dans un corps vivant et figé venant à nouveau évaser les esprits.